Un projet macroéconomique pour répondre aux besoins massifs de la transition énergétique


Le projet SFTE a une dimension macroéconomique forte en visant le financement de 30 à 70 Mds € d’investissements, étalés sur 10 ans[1]. Ce dispositif global est appliqué ici aux bâtiments publics français mais il pourrait bien sûr être étendu – sous réserve d’études complémentaires – aux autres besoins de la transition énergétique, en France et en Europe, chiffrés en centaines de milliards d’euros. Le besoin est estimé à 38 Mds € d’investissements annuels additionnels en moyenne entre 2011 et 2030, pour atteindre les objectifs carbone de l’UE[2].

C’est l’investissement en général qui est en berne en Europe. Dans un document co-signé par la France et l’Allemagne début septembre 2014, les deux pays ont constaté que le niveau total des investissements au sein de l’Union était encore de 15% inférieur à celui d’avant crise. Les deux pays affirment la nécessité de « revenir à un niveau d’investissement public suffisant »[3]. De nombreuses institutions ont souligné le besoin de relancer l’investissement public notamment dans la zone euro (FMI[4], OCDE[5], G20[6], CE[7], BEI[8], BCE[9]…).

En France, pour l’ensemble de la transition énergétique, les besoins d’investissement d’ici 2050 représenteraient environ 2000 Mds €[10]. Environ la moitié concerne la rénovation des bâtiments et logements avec un besoin chiffré par exemple à 30 Mds €/an par l’ADEME, nettement supérieur aux investissements réalisés actuellement de 20 Mds €/an (dont 6 Mds € pour le tertiaire dans son ensemble)[11] en probable décroissance dans les années à venir.

A l’échelle de l’Union européenne, les besoins ont été estimés à près de 600 Mds € entre 2012 et 2020[12]. Notre estimation pour la rénovation énergétique des seuls bâtiments publics en Europe est que des investissements de 180 Mds € permettraient de réduire leur consommation énergétique de 20% et leurs émissions de CO2 dans les mêmes proportions, et 420 Mds € d’investissement permettraient de réduire leurs émissions de CO2 de 40%.

Les projets de transition énergétique sont aujourd’hui prioritaires. Parmi tous ces projets majeurs la rénovation énergétique des bâtiments présente l’avantage d’être un sujet plus sécurisé que celui de la production d’énergie et plus créateur d’emplois que les travaux publics. Plusieurs raisons nous y font voir un objectif prioritaire de politique publique, notamment pour ses bénéfices socio-économiques fortement valorisables :

  • Un projet qui n’aggrave pas le déficit budgétaire, et par ses effets indirects, qui devrait contribuer à son redressement (activité économique et recettes fiscales, réduction de la consommation d’énergie, donc baisse des charges de fonctionnement…).
  • Un plan de relance qui donnerait des résultats bien plus rapidement que dans le logement ou d’autres projets de la transition énergétique, la décision étant du ressort d’un petit nombre d’acteurs politiques et administratifs. L’Etat dispose ainsi d’un outil de politique économique supplémentaire, à utiliser notamment pour déclencher un impact rapide. On notera que les acteurs publics sont souvent propriétaires et non locataires, et que leurs durées d’occupation sont généralement longues, facilitant les opérations.
  • Un potentiel de création d’emplois locaux (y compris via les PME) estimé de l’ordre de 15 emplois/an par million d’euros investi dans des travaux, soit 45 000 emplois pour 3 milliards d’euros (sur l’année de l’investissement).
  • Un impact substantiel sur le déficit commercial. La facture énergétique française s’élève à plus de 65 Mds € en 2013[13], et en Europe les importations d’énergies fossiles représentent plus d’1 Md € par jour.
  • Une contribution aux objectifs de réduction de la dépendance énergétique des pays européens[14]. la France importe environ 50% de son énergie et la part du chauffage au gaz et au fioul est relativement élevée dans les bâtiments publics[15]. De même l’UE importe plus de 50% de son énergie (avec notamment 65% de son gaz et 90% de son pétrole), et ses importations de Russie représentent environ 25% de sa consommation de gaz et 30% de sa consommation de pétrole[16].
  • Le développement de filières industrielles d’excellence potentiellement exportatrices. Le projet SFTE doit permettre de faire émerger des champions industriels français et européens capables d’exporter leurs technologies et compétences[17].
  • Le devoir d’exemplarité de l’Etat par sa contribution à la baisse des émissions de CO2[18] : exemplarité locale, nationale, européenne et internationale (COP 2015).
  • Un effet rebond maîtrisé (par rapport aux logements résidentiels[19]).

Selon l’ADEME[20], seule la moitié des communes environ[21] auraient au moins un projet d’investissement (56%) ou de services (45%) pour améliorer l’efficacité énergétique de leur parc immobilier à un horizon de temps de 2 ou 3 ans. La part des communes ayant réalisé des actions d’efficacité énergétique entre 2005 et 2012 reste par ailleurs assez limitée, ces actions étant en outre loin de concerner l’ensemble du patrimoine. Seules 20% des communes déclarent ainsi avoir réalisé un remplacement/isolation des ouvrants ou une rénovation des chaufferies pour l’essentiel de leur parc. Ces éléments illustrent le faible niveau des investissements actuels dans la rénovation énergétique des bâtiments publics.

Le projet SFTE est donc une réponse concrète à l’un des immenses besoins de financement du long terme en Europe (cf. livre vert[22] de la Commission). S’il présente des défis, il nous semble pour autant réplicable dans d’autres pays de l’Union, voire pour nombre de ses propositions et mécanismes dans tout pays souhaitant mettre en œuvre un plan ambitieux de rénovation énergétique de ses bâtiments publics.



[1] Volume à rapporter à un montant d’investissement en tendance actuelle estimé à 1 Md € par an, estimation bien sûr approximative du fait du manque de données disponibles.

[14] Voir notamment les tests de résistance pour le gaz réalisés par la Commission européenne : Commission européenne. Communication on the short term resilience of the European gas system – Preparedness for a possible disruption of supplies from the East during the fall and winter of 2014/2015. Octobre 2014.

[15] Le gaz et le fioul représentent 50% des consommations énergétiques totales et 70% des consommations de chauffage et d’eau chaude sanitaire (ECS). Cette exposition aux énergies fossiles est par ailleurs plus importante dans le tertiaire public que dans le parc résidentiel où le gaz et le fioul sont utilisés dans 58% des logements pour le chauffage hors ECS (respectivement 44% et 14%) et dans 47% des logements pour l’eau chaude sanitaire (respectivement 38% et 9%).

[16] Commission européenne. European Energy Security Strategy.

[17] Le projet SFTE pourrait aussi être un outil de politique industrielle pour la filière bois-énergie, et éventuellement favoriser le déploiement des réseaux de chaleur en France.

[18] Devoir d’exemplarité récemment rappelé par le Débat National sur la Transition Energétique, l’Assemblée Nationale et le Sénat (OPECST), l’Union européenne (Directive relative à l’efficacité énergétique) ou encore la Cour des comptes, évoquant au sujet du paquet énergie-climat le retard à rattraper pour la politique de « l’Etat exemplaire ». Cour des Comptes. La mise en œuvre par la France du paquet énergie-climat. Janvier 2014.

[19] La situation de précarité énergétique de certains ménages se chauffant en-dessous de leur niveau de confort fait par exemple que la réduction de la consommation d’énergie (en kWh) permise par une amélioration de la performance énergétique d’un logement peut se trouver limitée par une augmentation de la température de chauffage. Cet effet rebond peut se constater également chez des ménages plus aisés. Dans le tertiaire la régulation de la température peut être faite de manière professionnelle en fonction des règlements.

[20] ADEME. Enquête 2012. Energie et Patrimoine Communal. Juin 2014.

[21] Communes de métropole + 500 hab. hors Paris-Lyon-Marseille

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