Les principaux leviers pour le projet SFTE


Les leviers du projet sont de nature financière et industrielle. Si les premiers étaient dans le cahier des charges à l’origine de l’étude SFTE, les seconds ont été identifiés pendant l’étude et sont décrits en fin de chapitre.

Leviers financiers :

A.F.T.E.R. propose de mobiliser principalement deux leviers incitatifs pour le secteur financier :

  • la garantie publique ;
  • la facilitation du refinancement des banques, avec un intérêt plus particulier pour des schémas de titrisation dans un cadre sûr, simple et transparent.

Garantie publique :

La SFTE a vocation à accorder une garantie d’excellente qualité aux prêts des banques commerciales pour couvrir une partie de leurs risques et permettre la cession des crédits : la qualité de la garantie de la SFTE sera assurée par le fait que ses activités seront contre-garanties par l’Etat[1]. Une opération de financement de projet CPE, qui bénéficie dès à présent de conditions financières satisfaisantes en regard du risque pris, profiterait donc de conditions encore plus favorables, tant en durée qu’en taux. La normalisation des opérations (standards, volumes…) devrait encore améliorer ces conditions. Les prêts à taux fixes paraissent pouvoir être privilégiés dans le contexte actuel de taux bas proches de 0%.

Refinancement de très long terme :

Etant donné les importants volumes anticipés, il est inenvisageable que les banques gardent dans leur bilan des créances pouvant avoir des maturités de 30 ans voire plus sur toute la durée du prêt, pour des raisons de ratios prudentiels imposés par le régulateur. A ce titre, il serait souhaitable que la régulation bancaire (Bâle III) puisse évoluer pour faciliter la détention de tels crédits dans les bilans bancaires. En attendant, des solutions de titrisation et la mobilisation des investisseurs institutionnels de très long terme, notamment la BEI, pour refinancer les projets sont indispensables.

Pour permettre cette titrisation de masse auprès d’investisseurs internationaux, il est impératif de leur donner confiance en leur faisant bénéficier de la garantie SFTE. La défiance est omniprésente sur les marchés financiers depuis 2007, et cette garantie publique est la condition sine qua non du succès, selon un principe de confiance qu’on retrouve dorénavant mis en avant par beaucoup d’analyses de relance des financements d’infrastructure de très long terme[2].

La faiblesse des performances et des rendements est souvent citée comme la principale difficulté à laquelle font face les investisseurs institutionnels aujourd’hui[3]. Leur contribution au financement des projets d’infrastructures reste en France limitée, mais il est estimé que l’allocation des investisseurs institutionnels internationaux dans les actifs d’infrastructures pourrait atteindre 4% de leurs actifs en moyenne pondérée au cours des prochaines années[4]. En 2013, près de 50% d’entre eux prévoyaient une augmentation de leur allocation dans des actifs de type infrastructure sur les 3 prochaines années[5].

Allocations d’actif moyenne et visée dans la classe d’actifs « infrastructures » par catégorie d’investisseurs

10. allocation actifs

Sources : Standard & Poor’s. Global Infrastructure: How To Fill A $500 Billion Hole. 16 janvier 2014. Sur la base de : Preqin Infrastructure Online.

En Europe, plusieurs dispositifs visent déjà à faciliter les financements de projet par les investisseurs institutionnels, comme les initiatives « Obligations de projet » (UE et BEI) ou PEBBLE. Aux Etats-Unis, a aussi été créé le dispositif QECB (Qualified Energy Conservation Bond) dans lequel les investisseurs bénéficient de subventions directes (Trésor) ou indirectes (crédit d’impôt) des coûts d’emprunt, pour le financement d’opérations pouvant concerner des CPE sur des bâtiments publics.

La spécificité des CPE pourrait permettre la création d’une nouvelle classe d’actifs – intégrant les financements de CPE dans des actifs de type « green bonds » – offrant des impacts identifiés, mesurés et vérifiés en faveur de la transition énergétique. On constate un engouement croissant des investisseurs institutionnels pour cette classe d’actifs[6].

Plusieurs possibilités de placement de ces actifs titrisés sont ainsi envisageables :

  • auprès d’institutionnels de très long terme (fonds souverains, fonds de pension…) par exemple avec l’ERAFP en France ;
  • auprès de la Banque Européenne d’Investissement (BEI), dans la mesure où cela « rechargerait » les capacités de financer de nouveaux projets par les banques ;
  • à terme, directement auprès de la Banque centrale, si ces titres devenaient éligibles au programme initié en 2014 sur la titrisation et si d’autres pays de l’UE se dotaient de la même capacité à produire de tels actifs, créant ainsi un large gisement.

Pour ces raisons, la titrisation de crédits est aussi portée par la Commission européenne. Tout en citant certains modèles de titrisation mal réglementés dans le passé, les travaux de la Commission reconnaissent l’intérêt que peut représenter une titrisation sécurisée pour le financement du long terme : « Les opérations de titrisation permettent aux banques de refinancer les prêts en mettant en commun des actifs et en les transformant en titres attrayants pour les investisseurs institutionnels. […]. »[7]

Pérennité en cas de crise :

En cas de nouvelle crise systémique durable des marchés, la SFTE pourra accorder elle-même des prêts si besoin. Elle garantira aussi en cas de crise la liquidité du marché primaire de titrisation pour libérer les bilans bancaires, en s’engageant à racheter si nécessaire les encours des banques pouvant être titrisés.

Leviers économico-industriels :

D’autre part, A.F.T.E.R. recommande la mise en œuvre des leviers économiques et industriels visant la massification et l’amélioration continue des performances des projets :

  • Viser un impact des économies d’échelle dès le lancement du projet du fait des volumes d’opérations traitées (plus de 50% d’un potentiel de 3 à 7 Mds €/an) intégrant la normalisation des processus et des contrats pour toutes les parties prenantes.
  • Favoriser la mutualisation des projets en promouvant le regroupement par les administrations bénéficiaires, nationales et locales, par exemple à l’initiative des Conseils régionaux. La mutualisation des projets permettant celle des risques sur l’engagement de performance par l’unique opérateur privé, elle permet d’optimiser les coûts pour les entités publiques. Des dispositifs de tiers-financement « à opérations multiples » (MPV) sont aussi envisageables (SEM, SPL…). Dans ces montages le titulaire du contrat n’est plus une société-projet privée créée pour un projet unique (SPV) mais il s’agit d’une société publique ou d’économie mixte pouvant réaliser plusieurs opérations. Cette entité est liée à la personne publique par un contrat de type CPPE (ou un contrat semblable) et elle sous-contracte la plus grande partie de l’opération à un ou plusieurs opérateurs privés, par exemple à travers un marché public.
  • Escompter des  progrès technologiques par les opérateurs privés et leur progression dans la courbe d’apprentissage de l’efficacité énergétique pendant les 10 ans du projet SFTE, à distinguer probablement selon les bouquets de travaux. A ce stade, cette amélioration reste cependant difficile à estimer précisément.

N.B. Au-delà du sujet des projets d’efficacité énergétique des bâtiments publics, ces leviers industriels doivent être actionnés pour tous les projets de la transition qui sont de taille modérée par leur montant, et qui nécessite une massification.



[1] Un schéma à envisager serait l’accord d’une contre-garantie de la BEI à côté de celle de l’Etat.

[4] Standard & Poor’s. Global Infrastructure: How To Fill A $500 Billion Hole. Janvier 2014.

[6] Selon Crédit Agricole CIB, des obligations « de développement durable » ont été émises pour plus de 26 Mds US$ (en € et US$) entre 2012 et juin 2014 (notamment par Crédit Agricole CIB, BoAML, Morgan Stanley, JP Morgan, Citigroup…). Source : Site internet de Crédit Agricole CIB.

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